Ma démarche créative en photographie d'art urbain

Vous connaissez ma passion pour la photographie de rue et le street art. Chaque jeudi, je publie sur mes réseaux mes dernières créations qui mêlent ces deux passions. Sans pratiquer vous-même le street art, vous pouvez facilement faire de la photographie des œuvres de street art, mais connaissez-vous la différence en l'art et la photographie d'art ? Bref, je vais profiter de la publication d’une nouvelle série à mi-chemin entre l’art de rue ou l’art contemporain pour revenir un peu plus longuement sur ma démarche artistique et photographique dans ce domaine De la définition du Street Art à l’intention artistique, en passant par un peu de droit, je vous livre mes réflexions sur cette pratique enrichissante… culturellement parlant.

Série noire 1, mix graph et décollage d'affiches sur panneaux bois.
Série noire 1, mix graph et décollage d'affiches sur panneaux bois.



La notion de Street Art fait référence à toutes sortes d’œuvres graphiques que l’on peut apercevoir dans les rues de nos villes. La nature même de ces œuvres est extrêmement variée : tags et graffitis, pochoirs de peinture, collages, stickers sculptures et mosaïques, etc. Vous connaissez d’ailleurs très certainement quelques artistes de street art célèbre comme Banksy, Miss Tic, Jo Dibona ou encore les français JR et Philippe Echaroux ( projections vidéos). En matière de photographie la question est : la photographie de ces œuvres est-elle aussi un art ? (Certains, y compris au ministère de la culture, pensent d’ailleurs que la photographie n’est pas -ou plus- un art). 

Prendre une « bonne photo », c’est à la portée de chacun d’entre nous. Un simple smartphone suffira pour garder des souvenirs ou partager un instant… Du coup, la capture d’image est devenue simplement fonctionnelle et y a perdu au passage beaucoup de sa valeur artistique. Les artistes photographes ont heureusement conservé cette quête de l’esthétique, quitte à abandonner l’aspect figuratif au profit d’images fortement artificialisées. Regarder les images d’un artiste, c’est voir à travers lui. Les photographes capturent des morceaux d’une réalité qu’ils tentent de magnifier. Leur créativité reflète les fragments de personnalité qu’ils mettent dans leurs tableaux. D’ailleurs, le travail d’un artiste est souvent reconnaissable parmi des centaines d’autres. L’artiste a sa technique, son style, son univers… Cette « patte » de l’artiste se retrouve aussi bien en peinture qu’en photographie et elle nait de ses choix. Point de vue, traitement de la lumière, des couleurs, de la netteté… bref, réglages de l’appareil et post-traitement de l’image deviennent ses outils de création ! Le photographe d’art tient littéralement entre ses mains le pouvoir de transformer la réalité ! Et certains ne se privent pas de fabriquer de toutes pièces une nouvelle réalité dans de fantastiques montages numériques. D’autres n’en conserveront que quelques fragments. Bref, dès lors qu’elle ne se limite pas à reproduire fidèlement un moment, la photographie constitue à mon sens un véritable art graphique.

Série noire 2, mix graph et décollage d'affiche sur panneau bois.
Série noire n°2


Série noire n°3


Série noire n°4



Du coup, la photographie d’œuvres de street art, (et j’y inclus toutes les œuvres composées à partir du street art mais aussi de techniques comme le light painting par exemple) pour peu que le photographe ait une démarche autre que celle d’immortaliser un bout de mur peint donne aussi naissance à une œuvre d’art !

Ma démarche artistique


Dans le cadre de mon challenge photo quotidien, je croise très souvent des œuvres de street art. Mais, de la même manière que je ne partage jamais une affiche publicitaire sans la mettre en scène dans ma création photographique, j’utilise ces œuvres pour créer mes propres tableaux. Pour moi, l’intérêt de la street art photographie ne doit pas se limiter à une simple photo souvenir. Votre image doit raconter une histoire, s’intégrer dans une situation. Ce n’est pas parce que vous vous éloignez du sujet qu’il perd de son intérêt, bien au contraire. On peut jouez avec les éléments et donnez vie à une image de street art en y intégrant des objets ou des passants.  Ce n’est d’ailleurs pas toujours facile, loin de là. Et dans ma quête quotidienne avoir par hasard le bon passant au bon moment avec la bonne lumière, reste un vrai challenge. Le seul avantage, normalement, c'est que l'affiche ou le tag ne bougera pas. Enfin, c'est ce que je croyais au début. Mais en réalité, il peut être très éphémère. Je ne compte plus le nombre d'affiches que j'ai vu disparaître en moins de 8 heures !

En effet, vous le savez, je photographie énormément d’affiches publicitaires sauvages en décomposition. Et, j’avoue, je n’hésite pas à en déchirer quelques morceaux au passage. Quand une affiche commence à se déchirer, se décoller, etc. , elle peut très rapidement être recouverte. Il y a des matins, où je vois au loin un affichage qui potentiellement peut être intéressant mais qui le soir venu, à mon retour, a déjà été recouvert par d’autres affiches… C’est essentiellement ces (dé)collages ou #collageart qui constituent la base de mes œuvres de street art. 

L’idée au départ de ma démarche dans ce projet 365 est toujours la même. Mettre en évidence ou donner à voir de belles choses que l’on ne prend même pas le temps de voir. Ces tâches de rouille sur les poteaux de la gare par exemple n’ont rien à envier à certaines œuvres d’art brut. Et que penser de ces panneaux de bois occluant la vitrine d'un magasin en travaux, que j'ai photographié pendant deux ans, à chaque étape de leur recouvrement par des tags, graffitis et autres d'affiches publicitaires sauvages jusqu'à leurs nettoyages successifs ? Ne constituent-ils pas de véritables tableaux d'art moderne ? Je veux le croire. Ils constituent ma "série noire" présentée ici.

Dans les séries que je publie sur mon site ou sur les réseaux, je m’efforce de distinguer deux types de photographies. Les photographies d’illustration qui constituent un reportage sur mes pérégrinations dans la ville et où je peux reproduire des œuvres de street art en essayant de mentionner leur auteur. Pour celles-ci, je ne cherche pas à épater la galerie en exploitant les œuvres d’autres artistes et, même si mon point de vue photographique peut être artistique, il ne cherche pas à ajouter de l’art sur l’art. Bien sûr, je sais que dans ce cas, les commentaires sur Facebook ou Instagram, du type "Superbe !" "Magnifique !" ou quelquefois "Génial !" ne concernent pas mes images mais les œuvres qui y sont représentées.  Ces publications ne visent qu'à faire connaître les artistes et leurs travaux.

Pour mes autres images, il s’agit de créations originales. Elles utilisent certes parfois des œuvres existantes mais profondément revisitées. Je recycle, j’upcyle, j'upgrade…bref, je suis dans l’air du temps en faisant de l’art contemporain à partir d’éléments abandonnés. Je fais du développement (personnel) durable avec de l’éphémère. Là, oui, je fais de l'art avec l'art. Mais surtout, je vois aussi des œuvres d’art urbain, là où il n’y avait de volonté artistique au départ ! Car oui, comme Monsieur Jourdain, vous faisiez de l’art, par hasard, sans que vous n’en sussiez rien, simplement parce que ces affiches que vous avez taguées et décollées, éphémères publicités, sont devenues la matière première de mes créations. C'est le cas de la série présentée ici.
Série noire n°5


Série noire n°6


Série noire  n°7


Série noire n°8


Série noire n°9


Série noire n°10


Série noire n°11


Série noire n°12


Série noire n°13



Bref, je me livre toujours à un important travail de post-traitement (qui me prend beaucoup plus de temps que la prise de vue elle-même). Ce travail est indispensable, non seulement pour mettre en valeur et redonner tout son éclat à l’œuvre originale mais aussi pour y apporter ma propre patte artistique. 

Juridiquement, c’est d’ailleurs une étape indispensable pour revendiquer la propriété intellectuelle d’une œuvre qui sera considérée comme originale et non comme une simple reproduction. Commercialement, j’exploite aussi parfois certaines collab’ un terme à la mode sur les réseaux qui fait référence à une double paternité d’une œuvre dont une partie est réalisée par un autre artiste.

Si le graffiti est un art de l’éphémère, la photographie, elle, inscrit l’œuvre dans la durée. 

En dehors d’une poignée d’artistes renommés qui parvient à négocier des emplacements tels que les façades d’un immeuble ou la devanture d’un magasin contre rémunération, dans leur grande majorité, les artistes de street art affichent directement sur les murs leur message au public. Et dans le public, il y a des photographes qui n’hésitent pas à tirer profit de la vente de leurs images de graffitis. 

Diffuser ce type de clichés pose donc une question d’ordre morale. Ai-je le droit de tirer un bénéfice d’une œuvre d’un autre artiste qui plus est sans son autorisation ? Je vous laisse le soin d’apporter d’y réfléchir mais je peux déjà vous rappeler que le droit de la propriété intellectuelle stipule que "L’auteur jouit du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son œuvre." Et, là, un tag, un graffiti ou un pochoir, c’est incontestablement une œuvre. Qu’elle soit belle ou non ! D’ailleurs, elle est souvent signée cette création. 

Donc, il est contraire à la loi de vendre une reproduction photographique de cette œuvre sans en demander l’autorisation à son auteur. Le problème, c’est que bien évidemment ces œuvres souvent magnifiques ont été réalisées illégalement et constituent une dégradation avérée du bien sur lesquelles elles reposent. En effet, l’affichage sauvage, les tags et graffitis sont des pratiques généralement interdites. Si, les artistes transgressent avec gourmandise les lois pour afficher leur travail, ils n’apprécient pas forcément que d’autres l’exploitent ! Vous pouvez légitimement penser qu’un artiste ne voudra pas vous attaquer devant des tribunaux s’il risque lui-même une grosse amende mais c’est risqué et surtout, pas très fair play... Alors, oui, contacter l’artiste qui se cache sous un pseudo, n’est pas forcément une chose aisée. Bah, voui, quand on fait de l’affichage sauvage, on laisse rarement ses coordonnées téléphoniques au bas de l’œuvre ! Mais, bon, en farfouillant un peu sur les réseaux sociaux avec les # et signatures, on finit souvent par trouver.

Série noire n°14, mix graph et décollage d'affiches sur panneaux bois.
Série noire n°14, mix graph et décollage d'affiches sur panneaux bois.



Bref, un auteur reste un auteur, même s’il n’est pas facilement reconnaissable. Et le fait que l’œuvre soit publiquement et gratuitement exposée ne change rien à l’affaire. Il est donc strictement interdit de vendre une photographie de graffiti ou de la reproduire dans un livre commercial sans autorisation de l’auteur. Idem si on utilise des graffitis comme décor d’un tournage de vidéo ou d’un shooting de mode.
Et n’allez pas non plus faire des photographies des toiles des peintres et graffeurs qui qui exposent dans une galerie ou un musée. Normal, un photographe pourrait en réaliser de grands tirages du plus bel effet dans le salon d’un de ses clients, ce qui serait naturellement un manque à gagner pour l’artiste. Par exemple, MISS TIC n’autorise pas qu’on photographie ses œuvres plein cadre. Il est aussi important, quand vous photographiez un graffeur à l’œuvre de bien lui préciser ce que vous allez faire de l’image. Enfin, depuis quelques années, certains font le commercent d’œuvres d’artistes célèbres quitte à découper un pan de mur au marteau piqueur !

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