Et si les bouquetins du Mont aiguille n’Ă©taient rien d’autres que les descendants du fameux bĂ©lier dĂ©crit par Rabelais dans son rĂ©cit de l’ascension de cette montagne ? En effet, au XVIe siècle, Rabelais, a beaucoup Ă©crit sur cette rĂ©gion. Dans un prĂ©cĂ©dent article, j’avais Ă©voquĂ© Orpierre et son Quiquillon, cailloux tout droit sortie de la chaussure de Gargantua. Dans le Quart Livre, Rabelais relate avec tout l’imaginaire qu’on lui connaĂ®t, la première ascension faite par Antoine de Ville de ce qui Ă©tait encore appelĂ© le « Mont Inaccessible ». Et que trouva ce nouvel alpiniste au sommet de cette montagne lĂ©gendaire : un bĂ©lier !? Et s’il s’agissait tout simplement d’un bouquetin ?
« Ainsi dict pource qu’il est en forme d’un potiron, et de toute memoire persone surmonter ne l’a peu, fors Doyac, lequel avecques engins mirificques y monta et au-dessus trouva un vieux bĂ©lier. C’estoit Ă diviner qui lĂ transportĂ© l’avait. Aucuns le dirent, estant jeune aignelet, par quelque aigle ou duc chaĂ¼ant lĂ ravy, s’estre entre les buissons saulvĂ©. »
En effet, il n’est pas (plus) rare de croiser ces mammifères sur les vires de la montagne car, après une longue absence, le bouquetin des Alpes est de retour dans le massif. Nous avons croisĂ© les premiers individus juste sous le pied de la voie normale du Mont Aiguille. Mais de lĂ Ă les croiser gambadant sur la prairie sommitale… Pourtant, il y a quelques jours, j’ai pu en observer juste en dessous sur les vires de descente, au dessus des Tubulaires (nom d’une voie empruntĂ©e Ă la descente)… Bien entendu, les spĂ©cialistes du “mont inaccessible” suspectaient leur prĂ©sence sur la prairie sommitale depuis plusieurs annĂ©es mais sans savoir exactement par oĂ¹ ils passent.
Bouquetin sur les pentes du Mont Aiguille |
Les croiser au-dessus du couloir des Tubulaires est assez hallucinant ! Mais par oĂ¹ grimpent-ils alors que nous descendons par un grand rappel de 45 mètres ? En 2012, un journaliste local pensait (Ă tort) que personne les avait encore photographiĂ© sur la grande prairie sommitale.
Mais au fait, c’est quoi un bouquetin ?
Le Bouquetin des Alpes (Capra ibex ibex), est un mammifère protĂ©gĂ©, ruminant et herbivore qui vit entre 15 et 20 ans. Rappelons donc que leur chasse n’est pas autorisĂ©s ! Pour celles et ceux qui sont assez nuls pour confondre comme moi un bouquetin avec un chamois, sachez que le bouquetins c’est celui qui est clair sous le ventre alors que le chamois porte un masque beige clair et que ses cornes ont la forme d’hameçon.
On distingue dans les bouquetins, le Cabri, c’est Ă dire un jeune dans sa première annĂ©e sans diffĂ©renciation de sexe, des Ă©terles et Ă©terlous (les femelles et mĂ¢les dans leur deuxième annĂ©e) qui seront nommĂ©es Ă©tagnes et boucs Ă partir de trois ans. Un bouc mesure en moyenne 80 cm au garrot (au-dessus de l’Ă©paule) pour une longueur totale, du museau Ă la queue, de 150 cm. Il pèse en moyenne entre 65 et 100 kg suivant l’Ă¢ge et la saison. Dès l’Ă¢ge de 3 Ă 4 mois, il porte des cornes persistantes ornĂ©es de bourrelets. Les cornes croissent durant toute la vie jusqu’Ă atteindre parfois plus d’un mètre de longueur.
Bouquetins sur les pentes du Mont Aiguille au départ de la voie normale |
La femelle, l’Ă©tagne donc, est plus petite et plus fine, ne mesurant qu’environ 75 cm au garrot pour une longueur de 110 cm. Son poids oscille entre 35 et 50 kg suivant la saison. Elle porte des cornes dĂ©pourvues de bourrelets qui sont plus minces et plus courtes (30 cm au maximum).
Pour les plus jeunes sujets, la reconnaissance du sexe est gĂ©nĂ©ralement impossible dans la première annĂ©e et reste dĂ©licate jusqu’Ă l’Ă¢ge de trois ans. Les cabris portent des cornes qui ne dĂ©passent pas la taille des oreilles. Les cornes constituent un Ă©lĂ©ment moteur dans la reconnaissance des sexes (Ă travers les bourrelets de parure), mais Ă©galement pour dĂ©terminer l’Ă¢ge (stries de croissance). Chez les Ă©terlous, les cornes se font plus Ă©paisses et les premiers bourrelets apparaissent. Chez les Ă©terles, elles sont plus minces et dĂ©pourvues de bourrelets.
Bouquetins sur les pentes du Mont Aiguille au départ de la voie normale |
Au cours de vos randonnĂ©es en montagne, en Ă©tant un minimum discrets et observateurs, vous pourrez rencontrer très facilement des bouquetins. L’observation de cette espèce est une activitĂ© captivante mais qui doit Ăªtre pratiquĂ©e correctement, c’est Ă dire en respectant certaines règles car, contrairement Ă d’autres espèces sauvages (notamment chamois, chevreuils, etc.), le bouquetin ne prend pas la fuite rapidement et peut se laisser approcher facilement. MalgrĂ© une apparente quiĂ©tude, les animaux peuvent Ăªtre stressĂ©s. Montagne oblige, ils courent rarement pour fuir mais se rĂ©fugient dans les secteurs rocheux et escarpĂ©s.
Bouquetin sur les pentes du Mont Aiguille au départ de la voie normale
Ne cherchez pas Ă vous approcher des bouquetins et au moindre changement d’attitude des animaux, Ă©loignez vous.
Bouquetin sur les pentes du Mont Aiguille au départ de la voie normale
Ne cherchez pas Ă vous approcher des bouquetins et au moindre changement d’attitude des animaux, Ă©loignez vous.
En tous cas, croiser des bouquetins si près du sommet du Mont Aiguille est une magnifique preuve de la croissance de cette population estimĂ©e Ă près de 500 bĂªtes sur le territoire du Parc naturel rĂ©gional du Vercors (dont une cinquantaine dans le Royans). Songez que seul 36 animaux ont Ă©tĂ© rĂ©introduits en 1989/90. Un succès d’autant plus spectaculaire que plusieurs experts ne croyaient guère Ă l’adaptation du bouquetin sur ce territoire de moyenne montagne. Certes, c’est moins haut mais les crĂªtes du Vercors restent très sauvages et quasi dĂ©sertes. Un milieu rocheux et vertical oĂ¹ leur agilitĂ© les a amenĂ©s Ă coloniser un environnement idĂ©al.
A propos du Mont Aiguille.
Cette montagne est considĂ©rĂ©e comme le berceau de l’alpinisme. En effet, outre la dĂ©couverte des AmĂ©riques, 1492 date aussi la première ascension du mont Aiguille. Elle est rĂ©alisĂ©e le 26 juin 1492 par Antoine de Ville, seigneur lorrain de Domjulien et BeauprĂ© et capitaine du roi, accompagnĂ©, suivant diffĂ©rentes sources, de sept Ă une vingtaine d’hommes et d’un notaire. Jusque-lĂ , le rocher Supereminet Invius (latin : « il se dresse, inaccessible ») est reprĂ©sentĂ© sous la forme d’un rocher surmontĂ© d’une pyramide renversĂ©e. C’est donc sur ordre de Charles VIII, roi de France que la conquĂªte de ce « mont Inaccessible » eut lieu avec l’aide d’Ă©chelles destinĂ©es Ă la prise des chĂ¢teaux forts. La montagne est alors baptisĂ©e « Aiguille-Fort » et il faut attendre 1834 pour qu’une seconde ascension soit rĂ©alisĂ©e par des habitants des villages situĂ©s en contrebas.
Le Mont Aiguille dans sa face la plus accessible, Vercors, France |
Aujourd’hui partiellement Ă©quipĂ©e d’un gros cĂ¢ble vieillot, la « voie normale » est sans doute l’itinĂ©raire le plus commode en dehors des piste des bouquetins. Cette course de niveau PD+ avec quelques passages de 4a reste toutefois très exposĂ©e aux chutes de pierre (notamment dans la cheminĂ©e terminale). Je vous conseil donc de la parcourir avec un guide de haute montagne et un Ă©quipement adaptĂ©. La voie de 1492 a probablement disparu dans un des nombreux Ă©boulements dont est coutumier cet montagne, la voie normale reprend l’itinĂ©raire de Jean LIOTARD rĂ©alisĂ© le 16 juin 1834.
Renseignements sur http://montaiguille.free.fr/
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