[TECHNIQUE] TU FLASHES OU PAS POUR LA PHOTOGRAPHIE D'ESCALADE ?

Lors du Font & Bleau Contest (promis c’est mon dernier article sur le sujet), nous Ă©tions très nombreux Ă  faire des photographies et ce, sans compter celles faites avec nos redoutables smartphones. Parmi les photographes pros, il y avait notamment Gilles Reboisson et Thinh Souvannarath beaucoup plus connu sous le pseudo de Little Shao. Tous deux ont parfois shootĂ© assistĂ©s d’un puissant flash dĂ©portĂ©. A regarder les photographies de blocs qui circulent sur les rĂ©seaux sociaux, vous aurez peut Ăªtre remarquĂ© que c’est une vraie tendance de la photo d’escalade en bloc depuis quelques annĂ©es. J’en suis pas très fan (je vais vous dire pourquoi) mais je trouvais intĂ©ressant d’Ă©voquer ici la photographie assistĂ©e de sources de lumière complĂ©mentaire.



Pourquoi utiliser un flash en extérieur ?


La photographie c’est toujours une histoire de gestion de la lumière. Pour faire simple, le photographe a le choix entre trois grands types d’exposition : sous-exposition, sur-exposition ou exposition conforme Ă  la rĂ©alitĂ©. Le problème, c’est que la plupart des scènes photographiĂ©es sont rarement homogènes en terme de lumière. En effet, il y a presque toujours des zones sombres et des zones claires qui vont crĂ©er des contrastes plus ou moins importants et obliger le photographe Ă  faire un choix pour privilĂ©gier l’une ou l’autre. Pire, il y a parfois des conditions de lumière naturelle incompatibles avec la photo d’escalade, notamment en bloc oĂ¹ l’on se retrouve parfois au fond d’une grotte ou dans un sous-bois ultra sombre !

Tony dans le 7A+ d’Abyss, pas d’utilisation du flash mais une montĂ©e Ă  3500 ISO. (C)2016 Greg Clouzeau
Pour cette photo de Tony dans le 7A+ d’Abyss, pas d’utilisation du flash mais une montĂ©e Ă  3500 ISO.

J’adore le soleil mais il a ses limites en terme de photo et peut mĂªme vite devenir notre pire ennemi ! Il va parfois nous offrir une magnifique lumière chaude et dorĂ©e et des couleurs saturĂ©es, mais en Ă©tĂ©, il offre en gĂ©nĂ©ral une lumière très dure. Suivant sa position par rapport au sujet, il provoquera des contrastes affolants avec des ombres très marquĂ©es. Donc cet Ă©tĂ©, si vous voulez tirer le portrait de Tata Jeannine, mĂ©fiez-vous des ombres sur son visage cela peut Ăªtre de très mauvais goĂ»t ! VoilĂ  pourquoi, mĂªme en extĂ©rieur, les photographes de mode utilisent un flash. Cette source de lumière dĂ©portĂ©e et bien gĂ©rĂ©e permet de gommer les mauvais effets du soleil sur une image.

Mais attention, un flash mal orientĂ© ou mal dosĂ© peut aussi donner de très mauvaises images ! Oubliez tout de suite le flash d’appoint de votre boitier ou celui de votre smartphone, ils sont mal placĂ©s et relativement peu efficaces. D’ailleurs, vous avez sans doute dans vos photos, celles oĂ¹ votre sujet Ă  les yeux rouges (ou blanc s’il a des lentilles), des visages Ă  l’aspect « fromage blanc » ou au contraire ultra-brillants !

MĂªme pour ce plan serrĂ© en lumière dure d’Ă©tĂ©, je prĂ©fère jouer les contraste que dĂ©boucher l’arrière plan d’un coup de flash.
MĂªme pour ce plan serrĂ© en lumière dure d’Ă©tĂ©, je prĂ©fère jouer les contraste que dĂ©boucher l’arrière plan d’un coup de flash.

Perso, j’aime assez les images contrastĂ©es et je privilĂ©gie très souvent les hautes lumières quitte Ă  plonger le reste de l’image dans une quasi obscuritĂ©. Un truc impensable pour un portraitiste ou un photographe de mode. Eux cherchent toujours contre-balancer cette diffĂ©rence d’exposition grĂ¢ce Ă  une source de lumière supplĂ©mentaire… et ils le font bien.

 Mais alors pourquoi utiliser un flash pour la photo d’escalade en site naturel ?


Outre les inconvĂ©nients citĂ©s plus haut, un flash a aussi la fĂ¢cheuse tendance Ă  se reflĂ©ter sur toutes les surfaces rĂ©flĂ©chissantes. Bref, si ce sont lĂ  les principales raisons qui me rebutent dans l’utilisation du flash, la principale reste que je trouve que cela dĂ©nature, au sens littĂ©ral, l’image. Bah, oui, apporter de la lumière lĂ  oĂ¹ il n’y en a pas conduit inĂ©vitablement Ă  une vision dĂ©formĂ© de la rĂ©alitĂ©. Mais visiblement cela semble plaire de plus en plus ! Ainsi, parmi les photographes de blocs (pour ne prendre que cet exemple) ils sont de plus en plus nombreux Ă  utiliser flashs et rĂ©flecteurs.

Lors du Font & Bleau Redbull, vous aurez sans doute remarquez l’assistant du photographe Little Shao et son très gros projecteur. Je me suis demandĂ© si c’Ă©tait une volontĂ© de la marque ou un choix artistique ? En effet, je trouve que les images « officielles » de cette Ă©vènement sont très mĂ©talliques. La forte lumière blanche du spot et les tee-shirts bleus donnent un aspect qui fait penser inĂ©vitablement Ă  la canette de la marque. En fait, c’est bien un choix artistique. C’est mĂªme une signature de Little Shao.

Thinh est un photographe qui a renoncĂ© Ă  une carrière dans la banque pour se consacrer exclusivement Ă  ses deux passions, la danse et la photo. Et quel succès ! Avec quelques 98.000 fans sur Facebook, ce jeune professionnel couvre les scènes les plus branchĂ©es de la culture urbaine internationale. D’origine vietnamienne ce parisien pratiquait dĂ©jĂ  le hip-hop bien avant d’en immortaliser les mouvements et acrobaties. Et lĂ , pas de mystère, pour figer certaines scènes, le flash, c’est top !
 Qui d’autres a fait ce choix artistique en escalade ?
Ils sont nombreux et je ne vais certainement pas tous les citer ici ! Je vous propose par exemple de jeter un Å“il aux travaux de Gilles Puyfagès qui a prĂ©sentĂ© de nombreuses photos Ă  l’Ă©clairage »sur naturel ». Alban Levier, quand il ne fait pas de compĂ©tition, semble lui aussi assez portĂ© sur le flash… Sur le site BoulderClassics.com, le photographe Markus « Ixi » Ixmeier use et abuse de ces lumières dĂ©portĂ©es comme ci-dessous oĂ¹ cela reste raisonnable.
Donc, comme je le disais plus haut, outre les problĂ©matiques de dosage de la lumière, je trouve que les sources de lumière dĂ©portĂ©es dĂ©naturent, au sens littĂ©ral, l’image. Elles crĂ©ent des ombres lĂ  oĂ¹ il ne devrait pas y en avoir, Ă©clairent des zones qui devaient rester dans l’obscuritĂ©, etc. C’est un choix. Ce n’est pas le miens. J’aime la photo authentique, celle que l’on peut faire sans prĂ©paratif, celle rĂ©alisĂ©e sur le vif. Et oui, c’est aussi par flemmardise.
Quelques trucs à connaître si vous vous lancez dans la photographie au flash
L’utilisation d’un flash c’est grosso modo le mĂªme principe d’exposition que l’exposition standard en photographie. Mais voici quand mĂªme les 3 règles les plus importantes Ă  retenir :
  1. La distance entre le flash et le sujet permet de contrĂ´ler l’intensitĂ© de la lumière qui arrivera sur le modèle.
  2. L’ouverture permet elle aussi de contrĂ´ler la quantitĂ© de lumière qui va Ă©clairer le sujet.
  3. La vitesse quant à elle permet de définir la durée pendant laquelle la lumière ambiante sera visible sur la photo.
Un flash, un spot ou un rĂ©flecteur c’est un peu comme un deuxième “soleil en miniature” mais il faut savoir si celui-ci Ă©claire plus votre sujet que le vĂ©ritable ! En effet, si la lumière du flash est plus puissante que la lumière ambiante, vous allez ajouter une source de lumière dans votre photo. Le principe du « Flash » est de produire un Ă©clair durant une durĂ©e fixe qui va “figer” votre scène et ce, indĂ©pendamment de la vitesse. Du coup, pour contrĂ´ler l’ajout de la lumière ambiante dans votre image il faut jouer avec la vitesse. Plus la vitesse est lente, plus la lumière ambiante sera prĂ©sente, moins la lumière flashĂ©e est visible !

PlacĂ© dans le mĂªme axe que Little Shao, j’ai bĂ©nĂ©ficiĂ© de son flash pour cette image…

PlacĂ© dans le mĂªme axe que Little Shao, j’ai bĂ©nĂ©ficiĂ© de son flash pour cette image…
Ombre surnaturelle et lumière froide sous le surplomb


Attention, cela ne veut pas dire que le choix de la vitesse ne modifiera pas la zone exposĂ©e par votre flash mais l’arrière-plan. Il existe de très nombreuses techniques sur l’utilisation des flashs qui peuvent Ăªtre synchronisĂ©s avec la vitesse. Je ne vais pas rentrer dans le dĂ©tail d’autant que ce n’est pas ma spĂ©cialitĂ© mais me borner Ă  l’Ă©vocation de quelques techniques. A vous de tester, creuser, rater…et recommencer !

RĂ©aliser un « fill-in » :

Cette technique est utilisĂ©e lorsque le sujet est en contre-jour ou dans une zone d’ombre. Elle permet de rĂ©Ă©quilibrer la photo pour que le modèle ne soit pas sous-exposĂ© par rapport Ă  l’arrière plan. Un coup de flash bien dosĂ© permet donc de « dĂ©boucher » le sujet. Plus le contre-jour est violent (c’est souvent le cas Ă  la plage ou en montagne sur la neige), la mesure d’exposition faite par l’appareil enclenche souvent une vitesse nettement supĂ©rieure Ă  la vitesse de synchronisation du boĂ®tier avec le flash ! Il faut alors utiliser le fill-in HS (haute vitesse) mais encore faut-il que le flash possède cette option. Si c’est le cas, le flash dĂ©livrera une sĂ©rie d’Ă©clairs ultra-rapide pendant le parcours du rideau devant le capteur ceci afin d’Ă©viter l’apparition d’une bande noire sur le clichĂ©. Il existe aussi le cas inverse : la synchro lente plutĂ´t adaptĂ©e Ă  l’indoor. En gros, l’Ă©clair va illuminer le sujet principal et le boĂ®tier enregistrer la photo avec une mesure d’exposition effectuĂ©e sur l’arrière-plan. En escalade, cela fonctionne bien dans certaines salles mais sur les sujets en mouvements rapides (un jetĂ©, une chute, ou un run and jump notamment) bien que le rĂ©glage au second rideau donne une impression de « filĂ© », le personnage peut se trouver dĂ©doublĂ©…


Cas du flash indirect :
En gĂ©nĂ©ral, avec un flash normal, en usage x-TTL l’allongement du temps de parcours de l’Ă©clair et sa perte de puissance par absorption est prise automatiquement en compte par le boĂ®tier lors de l’Ă©mission du prĂ©-Ă©clair. Cette technique donne donc des photos plutĂ´t harmonieuses et les photographes de mode s’en servent très rĂ©gulièrement.
Les tĂªtes de flashs sont Ă©galement munies d’un diffuseur qui permet d’ouvrir l’angle d’Ă©clairage et assurer une meilleure diffusion de la lumière. On peut sans souci utiliser de diffuseur en flash direct pour des focales supĂ©rieure Ă  50mm pour rĂ©duire l’impact de l’Ă©clair sur le sujet.


Jean Pierre Bouvier dans Atomic Play Boy
Voici une très vieille image oĂ¹ le coup de flash se fait bien sentir non ?
Jean Pierre Bouvier dans Atomic Play Boy


Mais de plus en plus de photographes utilisent des flashs indirects dont certains sont d’une puissance phĂ©nomĂ©nale. Il n’y a qu’Ă  voir les photos de Little Shao sur le Font & Bleau pour s’en rendre compte. Dans ce cas, et c’est le cas des photos de mes confrères prĂ©sentĂ©es dans cet article, la lumière additionnelle est très fortement visible sur l’image. Encore une fois, c’est un choix artistique qui, s’il ne convient pas en photo de mode, est tout Ă  fait respectable en photo de sport. C’est juste que je n’aime pas ce rendu artificiel.

Little Shao a utilisĂ© un puissant flash dĂ©portĂ© dont ont voit bien la lumière « contre nature » sous le Toit du Cul de chien. (C) Little Shao

Donc, pour rĂ©pondre Ă  la question du titre, la photo d’escalade, Ă  mon goĂ»t, c’est mieux sans flash !! Il n’est gĂ©nĂ©ralement pas besoin de figer totalement le mouvement et avec les sensibilitĂ©s des boĂ®tiers modernes, on peut facilement monter en ISO sans risque. Mais je peux me tromper… Dites moi si vous aimez ce type d’image. On sait jamais, je pourrait m’y mettre !

0 Commentaires