[HUMEUR] TU FAIS QUOI SANS ACCREDITATION ?!



Guillaume Glairont Mondet dans le Toit du Cul de chien 7A
Faire de la photo de sport ou de concert n’est pas forcĂ©ment très facile. Je ne parle pas de technique photographique ici, mais de droit d’accès ! Impossible pour le photographe amateur d’approcher les stars de la coupe d’europe de football lors d’un match officiel ou Jonhy Halliday en concert. La faute aux professionnels ? Non, plutĂ´t aux organisateurs et aux stars elles mĂªme… Samedi dernier, j’ai profitĂ© de l’organisation du Font & Bleau contest par une cĂ©lèbre boisson pour shooter quelques images peu communes Ă  Bleau… C’est pas tous les jours que les bleausards s’affrontent devant un public aussi nombreux en pleine forĂªt. Si la compĂ©tition s’est rĂ©vĂ©lĂ©e plutĂ´t respectueuse du site, y faire des photos n’a pas Ă©tĂ© toujours simple d'autant que je n'avais pas les accrĂ©ditations nĂ©cessaires donnĂ©es par l'organisateur.





De la difficulté de trouver une place pour faire des photos


Lors d’un concert ou d’une compĂ©tition sportive, le photographe doit composer avec le public, la sĂ©curitĂ©, les stars ou athlètes et… l’organisation ! Impossible de se placer oĂ¹ l’on souhaite pour avoir le meilleur angle.

La photographie de sport extrĂªme et notamment d’escalade je connais un petit peu. Celle de compĂ©tition aussi et le site du Cul de chien, plutĂ´t bien. Du coup en venant sur le massif, j’avais une idĂ©e assez prĂ©cise des images que je voulais rapporter notamment du Toit du Cul de chien.


Guillaume Glairont Mondet dans le Toit du Cul de chien 7A
Guigui dans le Toit du Cul de chien
Pas facile de se trouver une place
Pour cette voie, j’aime me placer dans le petit couloir Ă  gauche. Je trouve que c’est lĂ  que l’image prend le plus de force. J’ai d’ailleurs essayĂ© pas mal d’angles diffĂ©rents dont un très Ă  droite.

RĂ©ussir une belle photo par hasard c’est toujours possible. Il suffit d’Ăªtre lĂ  au bon moment, prĂªt Ă  dĂ©clencher et de maĂ®triser un tant soit peu son matos et les règles de base de la photographie. Mais on ne peut pas toujours compter sur la chance. D’ailleurs les photographes professionnels ne laissent pas beaucoup de place au hasard dans la rĂ©alisation de leurs images.

Ce week-end, au Cul de chien, je ne pouvais pas me placer sur la droite du bloc, le public et les hĂ´tesses masquant totalement la vue. A gauche, impossible de faire l'image du toit comme je l'avais prĂ©sentĂ© sur bon blog Fontainebleau Passion, il y avait trop souvent quelqu’un d’autre dans le cadre : organisateurs, staff, photographes… J’ai quand mĂªme pas trop mal exploitĂ© la place mais ce ne seront sans doute pas les meilleures images de la sĂ©rie (les albums seront mis en ligne d’ici quelques jours et les premières sont diffusĂ©es sur mon blog FontainebleauPassion…).






Une cohabitation avec les photographes pros et les impĂ©ratifs de l’organisation pas toujours facile



Donc et si, pour changer, j’allais faire des photos du visage grimaçant de mes amis grimpeurs en sortie de voie ? La photo en plongĂ©e avec le public en arrière plan pourrait Ăªtre sympathique. Ă€ peine le temps d’appuyer sur le dĂ©clencheur, un peu Ă  l’aveugle et sans caler mes rĂ©glages faute de reconnaissance, que l’organisateur m’envoie un de ses fidèles sujets (merci Christophe) pour me signifier que je ne suis pas autorisĂ© Ă  shooter de lĂ -haut !
Euh… Tu dĂ©connes lĂ  ? Eh bien non ! Pas ici. Pas dans un rassemblement convivial en site naturel. Pas dans « ma » forĂªt. Pas Ă  moi qui doit aussi produire un article sur la Tribune libre de BLEAU et deux ou trois autres titres ? Et bien si ! Car mĂªme si cette compĂ©tition se dĂ©roule dans un lieu public et libre d’accès et que l’organisation a assurĂ© Ă  l’Onf ne pas privatiser le site, cette place est rĂ©servĂ©e aux professionnels engagĂ©s pour couvrir l’Ă©vĂ©nement ! Et c’est normale, c’est juste qu’il aurait fallu le dire avant…




Car je ne suis pas le seul dans ce cas !


Ă€ peine suis-je descendu rejoindre un grand monsieur de l’escalade, Philippe Ribière, qui est aussi un excellent photographe malgrĂ© son handicap, que j’assiste Ă  une autre intervention du « taureau ». Celui-ci n’hĂ©site pas une seconde Ă  foutre dans le sable le sac de matos de Philippe qui avait eu l’outrecuidance de le mettre en sĂ©curitĂ© sur la canette gĂ©ante rĂ©frigĂ©rĂ©e. On ne badine pas avec l’image de la marque !


L'ami Philippe Ribière au plus près des finales mais attention à ne pas poser son sac !
L'ami Philippe Ribière au plus près des finales mais attention à ne pas poser son sac !


Euh garçon, tu sais combien ça coĂ»te le matos photo ? Un objectif haut de gamme rayĂ© par le sable est un objectif foutu…


Re-Grrrr. … mais il est restĂ© très cool le Philippe.




Allez, je poursuis mon shooting et trouve une belle image Ă  faire en observant le manège de mes collègues amateurs et professionnels car, c’est bien connu, les photographes forment une grande famille unie par leur passion. Non ? Tient, Philippe est parti shooter le speaker quand Guillaume Peillon, grimpeur du team Grimpo engagĂ© dans la compĂ©tition, mais aussi photographe pour cet excellent site internet se positionne dans son dos pour faire des images de la finale nĂ©cessaires Ă  un article sur l’Ă©vĂ©nement.

Ă€ peine shootĂ© qu’il se fait rappeler Ă  l’ordre.
J’ai demandĂ© Ă  Guig’z ce qu’ils s’Ă©taient dit.


Guiz et Philippe en plein shooting. Trop près là encore !!!
Guiz et Philippe en plein shooting. Trop près là encore !!!
Gille Rebaisson discute de la bonne
 approche en terme de profondeur de champ



Et bien que Redbull n’avait pas besoin de son article… Ils ont tout ce qu’il faut ! C’est vrai et les photographes professionnels engagĂ©s sont lĂ  pour ça. Mais c’est toujours mieux quand c’est annoncĂ© avant aux photographes amateurs et autres blogueurs ou correspondants locales de presse qui peuvent toujours demander les photos officielles (regardez l’article de cette compĂ©tition dans Kairn ou l’Equipe…et vous comprendrez) Ici, Gilles (Ă  droite) et Little Shao, deux grands pros avaient Ă©tĂ© engagĂ©s par l'organisateur pour couvrir l'Ă©vènement suivant le cahier des charges de la marque.
Du coup, pour Grimpo ou la TL2B, si l'on voulait faire un article, il fallait se contenter des images des deux pros.
 

Mais pourquoi ?




Dans la plupart des Ă©vĂ©nements de ce type, les sponsors et organisateurs engagent des professionnels chargĂ©s de faire les images « officielles ». Officielles, c’est Ă  dire qui seront diffusĂ©es par la marque. En règle gĂ©nĂ©rale, ces photographes ont un "brief" plus ou moins prĂ©cis des images souhaitĂ©es et des images « interdites », c’est Ă  dire celles que la marque ne souhaite pas voir et qui pourraient « nuire » Ă  son image. Avec RedBull, vous pouvez Ăªtre certain de la prĂ©cision de ce dernier.


Bref, notre aventure Ă©tait tout Ă  fait normale et courante dans le milieu de la photographie Ă©vĂ©nementielle. S’agissant d’un contest plutĂ´t intimiste et oĂ¹ aucun système d’accrĂ©ditation n’avait Ă©tĂ© mis en place, l’organisateur aurait sans doute dĂ» prendre quelques minutes pour briefer les photographes prĂ©sents mais non engagĂ©s par lui pour dĂ©finir les limites…



C’est quoi une accrĂ©ditation ?




L’accrĂ©ditation est une Ă©tape obligatoire pour avoir le droit de sortir son objectif librement dans certains Ă©vĂ©nement.


En effet, l’organisateur est tenu de gĂ©rer le nombre de photographes selon la capacitĂ© du lieu notamment pour des questions de sĂ©curitĂ© mais aussi de droit des artistes ! Mais depuis quelque temps, la colère gronde chez les photographes. En 2008, au festival des Vieilles Charrues, les photographes ont collectivement dĂ©posĂ© leurs appareils pour protester contre les exigences d’Etienne Daho. A Montreux, en 2015, Lady Gaga a dĂ©cidĂ© de fournir Ă  la presse une seule et unique photo, choisie par ses soins. Ainsi, lors du concert de Johnny Halliday au PalĂ©o Festival Nyon 2015, en Suisse, quelques heures avant le dĂ©but de la manifestation, les photographes accrĂ©ditĂ©s ont reçu un sms qui leur annonçait que leur prĂ©sence n’Ă©tait pas autorisĂ©e et que seul le photographe officiel de l’artiste couvrirait l’Ă©vĂ©nement. Les managers des stars cherchent de plus en plus Ă  contrĂ´ler l’image de leurs protĂ©gĂ©s. Les photographes de presse, dont l’activitĂ© consiste Ă  tĂ©moigner des faits, ne mettraient pas suffisamment en valeur les artistes. Après avoir cherchĂ© Ă  imposer la cession gratuite de leurs images contre l’autorisation de photographier ou avoir exigĂ© un droit de regard avant publication, on leur interdirait donc purement et simplement l’accès Ă  la scène. (voir les articles de TĂ©lĂ©rama ou Focus NumĂ©rique)





Et dans le sport ?



Le photo-journaliste, dans le cadre de son activitĂ© d’information, ne devrait pas se voir refuser l’accès Ă  un Ă©vĂ©nement sauf pour des questions de sĂ©curitĂ©, ou de capacitĂ© d’accueil, en vertu des articles L333-6 et suivants du Code du Sport.



Heu… attends lĂ , tu as bien Ă©crit : Code du Sport ?

Oui ! Car d’après l’article 20-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative Ă  la LibertĂ© de communication, c’est au code du sport qu’il faut se rĂ©fĂ©rer !



« l’article L333-7 du Code du Sport est applicable aux Ă©vĂ©nements de toute nature qui prĂ©sentent un grand intĂ©rĂªt pour le public ».



Ce qui confirme donc les droits les photo-journalistes professionnels en vertu de l’information ne peuvent Ăªtre exclus de ce type d’Ă©vĂ©nement. Mais attention, c’est pas si simple car le Code du Sport contient en son article L333-1 une disposition assez hallucinante sur le plan du droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle :



« Les fĂ©dĂ©rations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnĂ©s Ă  l’article L. 331-5, sont propriĂ©taires du droit d’exploitation des manifestations ou compĂ©titions sportives qu’ils organisent.


Toute fĂ©dĂ©ration sportive peut cĂ©der aux sociĂ©tĂ©s sportives, Ă  titre gratuit, la propriĂ©tĂ© de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compĂ©titions ou manifestations sportives organisĂ©es chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu’elle a crĂ©Ă©e, dès lors que ces sociĂ©tĂ©s participent Ă  ces compĂ©titions ou manifestations sportives. La cession bĂ©nĂ©ficie alors Ă  chacune de ces sociĂ©tĂ©s. »



Du coup, comme de plus en plus de manifestations sportive sont le fruit de sociĂ©tĂ©s Ă©vĂ©nementielles et commerciales, cela devient compliquĂ©. D’ailleurs, avec les Championnats du monde d’escalade Ă  Paris, ce sera le cas !





Pourquoi une telle disposition ?



Outre la dĂ©fense de l’image des stars (voir plus haut) et des photographes professionnels (voir le site Regard du sport de GĂ©rard Vandystadt) face aux semi-pros et amateurs de talent, c’est souvent une question de sĂ©curitĂ©, notamment dans les concerts et festivals, qui est mise en avant. C’est pourquoi, en dehors des zones rĂ©servĂ©es aux officiels, les seules possibilitĂ© se trouvent entre la scène et les « Crash barrières » qui permettent aussi l’Ă©vacuation des victimes de malaises et autres mouvements de foule, ou les « Circulations » utilisĂ©es par les Ă©quipes techniques et prisĂ©s par les journalistes pour naviguer rapidement sans devoir fendre la foule avec son fragile matos.



En compĂ©tition d’escalade de bloc, vous trouverez donc souvent des espaces en haut de ceux-ci (mais parfois dangereux), les « officiels » Ă©tant les seuls autorisĂ©s Ă  circuler Ă  proximitĂ© immĂ©diate des grimpeurs et pareurs sur les tapis.

Et le droit Ă  l’image des personnes en reprĂ©sentation ?



Little Shao et son assistant
Little Shao et son assistant
La jurisprudence considère que les artistes ou sportifs, dans le cadre de leurs activitĂ©s professionnelles, donnent leurs autorisations tacite pour la diffusion des images. Cette autorisation est nĂ©anmoins limitĂ©e Ă  des activitĂ©s artistiques ou d’information de la part du photographe, et il ne lui est pas possible, ses droits Ă  un tiers pour une exploitation commerciale ou publicitaire sans l’autorisation du modèle. Et rĂ©ciproquement, le photographe, de par ses droits patrimoniaux sur ses clichĂ©s, devra lui aussi nĂ©gocier et autoriser l’exploitation de sa photographie par le sujet dans un cadre commercial.


VoilĂ , fini pour cet Ă©pisode juridique un peu diffĂ©rent des autres articles du blog…mais la photographie a aussi d’autres règles que la technique.
Je reviendrai donc très vite pour vous parler technique en photo d’escalade et vous prĂ©senter mon portfolio de cette compĂ©tition atypique.
L’occasion d’aborder la photo « naturelle » versus « la photo au flash » après avoir visionnĂ© une partie des superbes images des deux photographes professionnels engagĂ©s sur cet Ă©vènement,  
Thinh Souvannarath, alias Little Shao,
et Gilles Rebaisson

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