De Gwin Zegal à Port Moguer, à la découverte du patrimoine Breton authentique

Est-ce par amour des cailloux que je me suis rendu en Bretagne ou pour la beauté de la mer, je ne sais plus ! C'est lors d'une balade en 2012 que j'ai découvert pour la première fois l'un des plus beaux coins de Bretagne nord.


Autour du village de Plouha, la côte Bretonne atteint sa plus haute altitude. Le GR 34 ou chemin des douaniers permet d'explorer de merveilleuses criques, refuges de pêcheurs, d'oiseaux et parfois de bateaux comme ce port de Gwin Zegal ! C'est sans doute, avec le port de Mazou en Porspoder (29), le dernier représentant en France d'un mode de mouillage très particulier, dont l'histoire remonte au Moyen Age. Un simple mouillage sur pieux de bois dont voici quelques images qui vous feront oublier les Seychelles !

On y arrive par la terre, en suivant une petite route sinueuse bordée de genêts et d'ajoncs. On peut également y venir à pied, en suivant le GR 34 qui emprunte le sentier des douaniers. Par l'un ou par l'autre, le panorama sur les plus hautes falaises de Bretagne vaut le détour.



Gwin-Zegal (vin de seigle en breton) se loge au creux de la falaise. De la petite plage, on aperçoit les plages de Port-Moguer, dont la digue en granit rose cisaille le fond de la vallée et offre un rare abri contre les vents du large.

Le port de Gwin-Zegal est constitué aujourd'hui de deux sillons de pierre, dont le premier sillon protège la crique des vents d'ouest et de nord. Le premier sillon mesure environ 40 mètres de longueur, pour une hauteur de 2, 50 m, il sert de brise-lames. Le deuxième sillon est beaucoup plus court et peu élevé. Entre ces deux sillons, 5 rangées de pieux permettent l'échouage d'une flottille de bateaux, ne dépassant pas 6 m de longueur.
Le principe du mouillage sur pieux de bois est le suivant : un puits est creusé à une profondeur d'environ 1, 50 m, puis un tronc d'arbre haut d'une quinzaine de mètres, encore muni de ses racines y est placé et maintenu verticalement par des pierres. Les canots sont amarrés entre deux rangées de pieux, distantes de 15 m environ, avec une grosse chaîne et une aussière, amarrée par l'avant et l'arrière. La chaîne est capelée directement sur le pieux à 6 m de hauteur.



Une petite trentaine de troncs d'arbres de 8 à 10 mètres de hauteur sont plantés dans le sable marin, au creux d'une petite anse protégée par une pointe rocheuse. C'est à cette petit forêt de mâts qui traverse les siècles que s'amarrent les embarcations depuis 1854. Le 12 octobre 2013, un fort coup de vent y coula 6 bateaux !



Port-Moguer

Pour les mettre à l'abri, un ouvrage court mais massif sera construit vers 1840. Constitué d'un quai doublé d'une digue de granit rose, il protégera la petite flottille des vents d'ouest et des violentes tempêtes sévissant sur ses côtes.

Une jetée plus étroite s'en écarte vers l'est, se déversant plus loin entre les éboulis de rochers. Sans doute serez-vous tenté de la suivre ... Méfiez-vous en l'empruntant : la mer grignote la falaise d'où, parfois, se détachent des pans entiers de rochers. Poursuivant inlassablement son travail de sape, elle a creusé une grotte devenue au cours des années un abri pour certains oiseaux nicheurs... La sauvagerie de l'endroit, fascinante, risque de vous faire oublier que la mer monte et qu'en reprenant son domaine, elle vous coincera contre la falaise !



Commentaire historique :

Le petit port de Guin-Zégal (orthographié "Gouine Ségal" au 19ème siècle) a été aménagé en 1854 par la commune de Plouha, aidée par les marins pêcheurs, qui ont établi un brise-lames en pierres sèches, long de 31 m et couvert à mi-marée (6 m). Il n'est pas mentionné sur le cadastre de 1833. Le nom de Gwin Zégal viendrait de "gwinizh" (le froment) et de "segal" (le seigle), deux céréales cultivées autrefois sur les terrains bordant la falaise.
Selon le rapport de l'ingénieur Launay, daté de 1879, le havre de "Gouine-Ségal" est situé à 650 m de "Port-Morguer", port d'attache d'une dizaine de bateaux de pêche. Il est abrité des vents de terre et de l'est par un brise-lames à pierres sèches. L'ingénieur proposait comme réponse à la demande de la commune de Plouha de restaurer ce brise-lames, d'en prolonger la longueur à 45 m et de porter la cote à 7 m. En effet, Gwin-Ségal représente encore aujourd'hui le seul véritable port, abri et refuge pour les bateaux sur la côte de Plouha, si on ne prend pas en compte le port de Bréhec. Cependant, l'absence de voie de communication n'a pas permis son développement (pour le cabotage). En mars 1881, le conducteur Cadin pouvait constater que la partie aval de la jetée était en ruines. L'Etat accepta de subventionner ces travaux, à condition qu'ils soient réalisés en régie municipale, sous son contrôle et que la commune s'engage à effectuer par la suite son entretien. L'ouvrage fut prolongé d'un musoir et exhaussé de 1 m, en utilisant la roche locale, in situ. Le projet fut exécuté en juillet 1883.


La lecture du plan de l'ingénieur Pelaud, daté de 1881, permet de reconsidérer la toponymie littorale : l'appellation "les Ganes" pour désigner le port de Gwin-Ségal, le "sillon" qui relie la côte et l'îlot, propriété à cette époque d'Armet de l'Isle, les rochers découvrant "Goret", la "Roche Plate". Le plan de 1881 permet également de situer le mouillage des caboteurs au-delà du brise-lames et le sens du courant de flot et de jusant.
Ce type de mouillage sur pieux de bois était relativement commun sur les côtes de Bretagne nord (à Porspoder et à Port Geffroy, Portsall, en pays Pagan, dans le Finistère, au Yaudet sur les côtes du Trégor et du Goëlo, sur la côte atlantique à Royan). Les recherches de Jean-Yves Guillouët de Plouha confirment cette tradition maritime sur les côtes ouest de la France. On peut le remarquer sur les photographies du début du 20ème siècle dans l'estuaire du Léguer (Ploulec'h), la rivière de Tréguier (ducs d'Albe), dans l'anse de Kerity-Beauport et à Pordic. Cependant, ce type d'amarrage par des chaînes entre deux pieux n'est plus utilisé qu'à Porspoder (Pors Mazou) et à Plouha (Gwin-Zégal). Une ligne de mouillage fut ajoutée en 1907, pour former 4 lignes. L'abri compte aujourd'hui 43 pieux d'amarrage en chêne (arbres avec leurs racines), pouvant accueillir 30 bateaux de pêcheurs-plaisanciers ; 55 bateaux sont prévus pour la suite. Jean-Yves Guillouët, historien local, a réalisé un inventaire des marins et des bateaux, inscrits au port de Gwin-Zégal du 19ème siècle à aujourd'hui (liste non publiée).
La commune de Plouha et l'association des pêcheurs-plaisanciers ont récemment rénové le site, en plantant de nouveaux arbres et en consolidant la jetée. Cependant, il faut remarquer que le sentier qui conduit au port est du domaine privé ; il est assujetti à une servitude littorale (cadastré en 1936, B 2588). De même que l'îlot de Gwin Zégal est du domaine privé, cadastré aujourd'hui 912 B et en 1833, B 849 bis.




Statut juridique

Statut de la propriété : propriété de la commune
Intérêt et protection

Nature de la protection MH : édifice non protégé MH

Observations : Le site de Gwin-Zégal est classé au titre des espaces remarquables : le port mériterait un label particulier, comme "port de caractère".


A redécouvrir : l'histoire d'un naufrage...

http://telescoop.tv/browse/267332/15/thalassa.html

Source

http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=MERIMEEIA22005651

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